Dans la seconde moitié des années 1930, le metteur en scène et théoricien du théâtre Edward Gordon Craig (1872-1966), qui est également un graveur de renom, met en chantier son projet d’illus
Dans la seconde moitié des années 1930, le metteur en scène et théoricien du théâtre Edward Gordon Craig (1872-1966), qui est également un graveur de renom, met en chantier son projet d’illustrer le Robinson Crusoe de Daniel Defoe (1661-1731). Il vit alors dans la banlieue parisienne, où il souffre d’isolement, et s’identifie donc totalement à ce personnage qui l’a toujours attiré. Mais il peine tout d’abord à trouver les traits à donner au visage du célèbre naufragé : comment les rendre suffisamment universels pour que tout lecteur puisse s’y reconnaître ? Craig multiplie les esquisses, sans jamais s’en satisfaire. Jusqu’à ce jour de 1937 où il a la révélation : un des masques de sa collection, aujourd’hui conservé au département des Arts du spectacle de la BnF sous la cote EGC-OBJ-34, lui semble présenter des traits archétypaux qui cristallisent l’essence même de l’humanité, une forme d’abstraction qui établit un pont entre les arts premiers et le modernisme. Dès lors, la voie est libre à la création d’une myriade de dessins préparatoires et de gravures sur bois à la beauté « sauvage ». Toujours soucieux de mystifier son public et de théâtraliser l’existence, Craig va jusqu’à rédiger une préface fantasque au roman de Defoe, dans laquelle il veut faire croire au lecteur que ce masque a été réalisé d’après nature et qu’il est parvenu entre ses mains accompagné d’un manuscrit rédigé par quelque obscur capitaine qui aurait découvert l’île même où Robinson avait vécu…
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